• Revue de presse bolivienne ou "le defi bolivien"

     Apres le retour a la democratie dans le pays dans les annees 80 et deux decennies de politiques menees par l'elite blanche economique, plutot vouees au liberalisme, Evo Morales a ete elu president en 2005. Son election fait suite a une serie de fortes luttes sociales (contre des privatisations au profit de compagnies notamment nord-americaines, contre des impositions du FMI, luttes de paysans sans terres, de mineurs, de cocaleros...) et a la mobilisation croissante des autochtones pour la reconnaissance de leurs droits (la premiere Marche pour la dignite, la terre et le territoire a eu lieu en 1990, et d´une distance de 640 km, elle visait a reunir les autochtones des basses terres a ceux des Andes).

    Depuis l´election de ce premier president indigene (Evo est d´origine aymara), le pays est un peu devenu une sorte de laboratoire politique, ou les tensions et les forces antagonistes le disputent a  un vouloir-vivre ensemble dans la diversite et la reconnaissance de chacun.

    Voici quelques points saillants des enjeux auxquels doit faire face l´actuelle Bolivie. (J´ai un peu du mal a y voir clair entre des points de vue divergents exposes dans la presse sur des notions souvent assez techniques. Mais voici quand meme un petit apercu)

    Mais pour commencer le discours d'investiture a la presidence d'Evo Morales:

    " Voila notre diversite. Nous sommes differents, mais nous desirons vivre cette diversite dans l´unite, a travers l'Assemblee constituante. Nous sommes differents, et pour cette raison, j´ai tres confiance que cette Assemblee Constituante devienne un espace, une instance permettant de mieux unir les Boliviens. Parallelement, nous devons, en etant unis, assurer la tenue du referendum sur l´autonomie. Nous voulons l´autonomie, les peuples autochtones historiquement, avant meme la vie republicaine, lutterent pour l´autodetermination. L´autonomie n´est l´invention de personne. C´est la lutte des peuples autochtones de toute l´Amerique pour l´autodetermination. Mais l´autonomie que nous desirons, c'est celle  de la solidarite, de la reciprocite, de la redistribution des richesses, c´est l´autonomie pour les peuples autochtones, pour les provinces, pour les regions. (...) Cela doit se faire a travers l´Assemblee constituante."

    • Une nouvelle constitution pour un nouvel etat, "plurinational"

    En 2008, une nouvelle Constitution a ete ratifiee dans le pays. La Bolivie est devenue un "etat plurinational" qui reconnait "les peuples et nationalites indigenes d´origine paysanne" comme les sujets collectifs d´un ensemble de droits dont celui a l´autonomie et a l´auto-gouvernement. De ce fait, dans le pays, vont coexister des logiques communautaires et des logiques etatiques, ce qui peut parfois mener a des tensions, contradictions, conflits. Dans la foulee du vote constitutionnel, certains departements ont reclame l´autonomie, voire la separation pour les plus riches d´entre eux (plutot dans la partie orientale du pays).

    La Constitution ne definit pas non plus clairement ce qu´elle entend par "pueblos y nacionalidades indegina originario campesinas". La definition est censee etre en construction. Dans ce contexte, le recensement prochain dans le pays prend une signification particuliere. Un article du journal "Nueva Cronica" s'interesse a cette question et a la methodologie a appliquer. Le dernier recensement de 2001 demandait aux sondes s'ils reconnaissaient appartenir a un des peuples autochtones: quechua, aymara, guarani, chiquitano, mojeño, ou autre, ou aucun. 62% declaraient appartenir a un de ces peuples. La question posee a ete critiquee par certains et d'autres enquetes demandant aux personnes de se definir comme "indigenes", "blancs", "afro-boliviens" ou "metisses" revelaient des reponses aux 3/4 en faveur du metissage. D'une question orientee sur l'identite culturelle a une question plus "raciale", les reponses ont une connotation differente. L'auteur de l'article preconise de maintenir la question de 2001  et conclut ainsi son texte : "la realisation du prochain recensement nous met face au defi d'employer des instruments pour enregistrer l'identite ethnique de la population qui soient capables de garantir l'accomplissement des droits constitutionnels et qui evitent en meme temps de reduire les identites a des categories opposees et antagonistes qui exacerbent les tensions dans le pays".

    • Le liberalisme est-il mort en Bolivie?

    Interview de Sacha LLorenti, ministre du gouvernement, dans le journal La Epoca.

    Question du journaliste: "La Bolivie a mis fin au neoliberalisme avec l´annulation le premier mai du decret supreme 21060?

    LLorenti: En Bolivie, le neoliberalisme est mort, mais il nous reste a l´enterrer. L´annulation du decret est le coup mortel. L´etat est en train de recuperer ses ressources et entreprises pour administrer le bien public, le petrole, le gaz, les telecommunications, l´eau, la terre... Le coup a commence en 2006 avec la nationalisation de hydrocarbures, mais le processus neoliberal doit etre demonte petit a petit. Il ne s´est pas construit en un an avec un decret, mais pendant quasiment 20 ans."

    Point de vue divergent chez les trotskistes (?) du journal Pasquin.

    " Les ideologues de la nouvelle administration du neoliberalisme, utilisent le visage de Evo, les symboles autochtones, pour exercer le controle sur la grande majorite nationale qui est la masse indigene. Avec habilete, les ideologues folkloristes du capitalisme, utilisent les paysans et les indigenes comme des escudos pour reguler les nouvelles relations avec les transnationales du petrole et des mines. Xavier Albo, Alvaro Garcia Linera et leurs circuits tout puissants d´ONG, Fondations et Universites sont les appareils ideologiques de l´imperialisme, qui hypocritement, font parler Evo d´anti-imperialisme, pour ensuite lui faire dire qu´il respecte la propriete privee. Evo, dans son ignorance, ne parvient pas a comprendre ce qu´il dit, ni ce qu´il fait"

    Dans l'edition francaise de fevrier du Monde Diplomatique, un point de vue qui permet peut-etre de faire la synthese des deux precedents:

    "la celebration de la divinite andine (Pachamama) coexiste avec d´autres revendications. Portees par de puissants mouvements populaires - se presentant comme indiens ou pas - ces dernieres ont contribue a porter au pouvoir des dirigeants qui promettaient, entre autres, de nationaliser les ressources naturelles afin de lutter contre la pauvrete.

    Or la tache n´est pas simple et il s´avere parfois plus aise de "defendre les Indiens" en reprenant a son compte un discours cosmogonique qu´en bousculant le modele socio-economique qu´ils contestent. Lors d´une allocution prononcee le 20 avril 2010, le ministre des affaires etrangeres bolivien - et indien - M. David Choquehuanca, defendait la conception indigene du monde: " Le plus important, ce sont les rivieres, l´air, les montagnes, les etoiles, les fourmis, les papillons. L´homme vient en dernier." Une semaine plus tard, il accueillait favorablement la proposition du groupe Bollore d´exploiter les reserves de lithium de la Bolivie (les plus importantes du monde), puisque l´industriel francais avait promis (sans rire) de travailler "en harmonie avec la Pachamama"

    • Regime autoritaire ou voix du peuple?

    Un autre debat occupe une place importante dans les colonnes de la presse. En octobre, les juges de certaines instances (Tribunal supreme de justice, Tribunal constitutionnel plurinational, Tribunal Agroambiental...) doivent etre elus par vote populaire. Les modalites de ce vote suscitent pas mal de polemiques, traduites par des reflexions sur le droit parfois tres poussees et techniques dans la presse. Un des objectifs de ce vote serait d´etablir une plus claire separation des pouvoirs, mais des critiques assez virulentes se sont elevees: les candidats, preselectionnes par le parti de gouvernement, n´auraient pas le droit de faire campagne.

    D´apres l´editorial du journal la Epoca, les critiques viendraient en bonne partie de ceux qui: "utilisent n´importe quelle opportunite pour developper une ligne d´action opposee a l´Etat plurinational et a sa Constitution. Et meme si l´article 82 de la loi electorale etait modifie le plus possible, ces secteurs trouveraient d´autres pretextes pour faire obstacle au processus de democratisation de la justice"

    Autre point de vue, publie dans le quotidien de Sucre, El Correo

    " A partir d´un moment, l´autoritarisme se base sur l´abondance d´elections, consultations et referendums. Et cela ne cesse pas d´etre ironique que ce soient ces consultations, ces avis majoritaires qui servent de base a la destruction des institutions democratiques. Et il importe peu que nous parlions du Venezuela, de l´Equateur ou de la Bolivie, le phenomene est exactement le meme: plus tu votes, moins tu as de democratie."

    Mais l´editorial de ce meme journal explique que Evo a su ecoute les arguments des citoyens, ce qui l´a conduit a demander un nouveau vote de l´Assemblee legislative pour modifier l´article 82 de la loi electorale.

     J´ai du mal a comprendre toutes les implications des debats en cours, mais on peut dire que dans ce petit pays (territoire plus grand que la France, mais moins de 10 millions d´habitants), et un des plus pauvres du monde, ca bouge, ca s´affronte, ca essaie de construire. La politique de Evo est-elle a la hauteur des attentes et espoirs du peuple bolivien? J´essaierai d´en reparler a l´occasion de portraits du jour.

    Pour conclure, un dernier point de vue, celui du mexicain Jorge Veraza, dans l'edition bolivienne du Monde Diplomatique de mai 2011:

    "Le processus que vit la Bolivie depuis la construction de l´Etat plurinational, est une experience tres riche, qui comporte des enseignements pour le monde entier a divers niveaux. En premier lieu, il y a cette situation plurinationale. Dans beaucoup d´autres pays, par exemple le mien, le Mexique, il existe beaucoup d´ethnies indigenes qui luttent pour leur autonomie, pour un meilleur traitement et pour essayer d´articuler, acompasar (rythmer?) - serait le meilleur mot - le droit des peuples autochtones avec le droit constitutionnel de la nation mexicaine. Il y a eu des debats, il y a beaucoup de juristes qui disent que c´est impossible, mais l´exemple de la Bolivie est un exemple vivant, existant,  et c´est une demonstration qu´il est possible de travailler dans ce sens, qu´il n´y a pas d´obstacles, que le monde ne s´ecroulera pas s´il se produit une telle chose. Au contraire, se cree un monde meilleur, d´une meilleure comprehension, esprit et egalite, mais toujours en reconnaissant les differences, non pas une egalite ou tout serait homogene et ou les richesses des siecles passes continueraient d´etre detruites, mais une egalite respectant chaque difference, les developpant avec un respect mutel."

     


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  • Commentaires

    1
    nadinette
    Mercredi 29 Juin 2011 à 20:11

    euh bon je lirais tout ça ce week end ....

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